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Clement Senechal
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Il nous arrive d'entendre cette formule : nos politiques ne sont pas à la hauteur. C'est évident dans le cas de l'écologie, puisque rien ou si peu n'est fait par le gouvernement pour enrayer la machine infernale. Mais sa responsabilité, tout comme celle des multinationales et du fameux 1 %, n'est (presque) plus à prouver.
Clément Sénéchal s'attelle ici à comprendre les autres causes, plus discrètes, qui conduisent l'écologie politique à l'échec : celles qui s'enracinent dans son propre camp. Structurellement, l'écologie, fruit de l'environnementalisme, s'est constituée comme une cause des élites. Dès les années 1970, ses militants, les ONG et certains politiques ont fait d'elle un objet de lutte pour privilégiés, morcelable, négociable et, surtout, profitable. Et, ce faisant, ils et elles ont réduit la lutte à une mise en scène, une morale abstraite, éloignée des citoyens et des citoyennes.
Ces acteurs de l'écologie B.C.B.G., s'ils ne cessent de marteler les constats scientifiques, se montrent nettement moins diserts sur leur propre échec. Pour construire les victoires de demain, il est pourtant nécessaire de regarder les impasses de cette « écologie du spectacle » bien en face. Un essai fort, qui pose enfin des mots sur une évidence politique. -
Le capitalisme, en tant que système social, ajoute la dépossession politique à la dépossession économique.
Mais dans les régimes qui se veulent démocratiques, ces deux formes de dépossession sont accompagnées d'une troisième : la dépossession médiatique. C'est à cette condition que la dissémination de l'idéologie néolibérale, l'hégémonie culturelle, le contrôle de l'espace public, la définition de la réalité légitime sous forme d'actualité, d'un mot : le monopole du spectacle, reviennent constamment dans les mains des classes dominantes. Cette circulation autoritaire du discours s'appuie sur un dispositif médiatique particulier, les médias verticaux - télévision, radio, presse écrite -, qui induisent un récepteur passif, séparé, et qui dans leur grande majorité appartiennent désormais au capital financier, dont ils sont à la fois le murmure et la filiale.
La révolution numérique et la massification du web social ont provoqué comme une dépression dans cette concentration du pouvoir discursif : ils permettent à la société de se médiatiser elle-même, ouvrent des latitudes à une information alternative, desserrent les frontières de l'espace public et encouragent de nouvelles formes de militantisme. Un ressaut démocratique, en somme. Sans se faire d'illusions sur les possibilités politiques offertes par le Web 2.0, il n'en demeure pas moins indispensable de défendre la neutralité du Net - libre accès au réseau et libre circulation des contenus - contre ses contempteurs acharnés, dont la riposte se fait chaque jour plus brutale. Bien qu'Internet reste relativement difficile à contrôler, il serait illusoire de penser que ses ressources internes suffiront : l'ensemble des droits « numériques » doivent être constitutionnalisés et la gestion des infrastructures de télécommunications revenir dans le giron des services publics. C'est là, aux yeux de l'auteur, l'une des conditions pour renouer avec la souveraineté populaire.